mardi, octobre 31, 2006

Article du MAGAZINE LITTÉRAIRE, déc. 05

Le Magazine Littéraire
Livres du mois, décembre 2005

De Baltasar Gracian, jésuite rebelle et solitaire, né dans l'Aragon de l'âge classique (1601-1658) et admiré des philosophes modernes, de La Rochefoucauld à Jankélévitch, en passant par Schopenhauer et Nietzsche, on réduit souvent la production au Héros et à L'Homme de cour, plus rarement au Criticon. Son œuvre fut pourtant intégralement traduite en latin, en italien et en français, et plusieurs fois réimprimée de son vivant, avant de devenir une curiosité littéraire n'inspirant plus que les belles âmes et les spécialistes.
Si l'on tient encore à comprendre pourquoi ce philosophe de profession, qui échoua dans ses projets de conseiller politique du prince, comme Platon en son temps, a pu passer pour le Machiavel ibérique, louant d'un même geste l'ambition, la pru­dence et la dissimulation, on ne peut que souhaiter lire la totalité de ses textes. En rêvant par exemple de les voir réunis dans une somme qui soit à la hauteur de son génie, tout en demeurant à la portée de la bourse du commun des lecteurs.
On peut considérer que c'est désormais chose faite, avec la première édition française de l'intégralité des traités politiques, esthé­tiques et éthiques de Gracian, traduits et présentés par Benito Pelegrín, grand spécialiste du baroque européen. Autant dire que s'ouvre avec cette édition déjà indispensable une nouvelle ère de réception d'un projet grandiose d'édification morale, dont l'unité conceptuelle n'a pas fini d'éblouir ceux qui veulent voir clair dans l'existence.

Stéphane Ploccari

Traités politiques, esthétiques, éthiques Baltasar Gracian. Traduit de l'espagnol, introduit et annoté par Benito Pelegrín Éd. du Seuil, 940 p., 33 €.

Aucun commentaire: